“Participation citoyenne et Civic Tech: état des lieux et défis en Afrique”, tel est le thème de la deuxième session des “vendredis du Mooc Démocratie, Élections et Gouvernance en Afrique” organisée le 12 août 2022 par AfricTivistes. Ce webinaire a été animé par Nompumelelo Runji de Democracy Works Foundation et Fodé Sanikayi Kouyaté, membre exécutif de AfricTivistes et coordinateur des maires dans le projet de Gouvernance Ouverte par le biais du numérique déployé par AfricTivistes, Local Open GovLab (LOG). Le panel est modéré par M. Maurice Thantan Chargé de projet à AfricTivistes.
Ci dessous le podcast
Concept récent, la technologie civique (Civic Tech) concentre à la fois les technologies et les démarches qui favorisent et renforcent le rôle joué par les citoyens dans les débats publics et les prises de décision dans le cadre du fonctionnement démocratique des sociétés et des communautés.
En Afrique, l’essor des Civic Tech a coïncidé avec plusieurs grands moments pivots : la démocratisation de l’accès à Internet, le développement des réseaux sociaux et la multiplication des formations dans les secteurs des technologies du numérique.
Depuis une dizaine d’années, l’irruption de la technologie dans l’espace public et plus précisément dans le débat démocratique n’a de cesse de produire des résultats saisissants. De la campagne en ligne #Sunu2012 au Sénégal à l’application MonElu au Mali, la manifestation des Civic Tech peuvent prendre plusieurs formes en fonction du contexte de leur émergence. Des dizaines d’initiatives Civic Tech ont vu le jour en Afrique avec plus ou moins de succès.
Toutefois, sur le continent africain, face aux besoins de démocratisation manifestés par les jeunes se dressent des défis conséquents. Il est alors légitime de se demander si les Civic Tech peuvent apporter des réponses manifestes aux différents questionnements. Cette démarche n’aurait du sens que si une réflexion profonde est menée sur le sujet.
C’est dans cette optique que s’inscrit ce webinaire dans le cadre du MOOC “Démocratie, Élections et Gouvernance en Afrique”, activité du Charter Project Africa.
Ci-dessous les interventions en substance des différents panélistes.
Nompumelelo Runji, Democracy Works Foundation
“Ceux qui mettent en œuvre les politiques publiques doivent travailler pour améliorer l’accès”
“Il faut travailler à rapprocher les citoyens des instances de prise de décision. Il doit y avoir dans les différentes institutions étatiques des mécanismes qui permettent de recueillir les opinions des citoyens. De toutes les manières, le citoyen est toujours appelé à porter et à véhiculer ses opinions.
Donc, pour qu’une démocratie fonctionne, il faut impliquer les citoyens quant aux décisions prises en termes d’amélioration de leurs conditions de vie. Mais également sur l’ensemble des décisions qui touchent les procédures démocratiques et les choix exprimés lors d’un processus électoral.
Aujourd’hui, lorsque nous regardons le paysage démocratique africain, on se rend compte qu’il y a un fort engagement de la société civile africaine. Les gens s’organisent en groupe de pression et cherchent à apporter certains changements démocratiques et sur d’autres aspects de la vie politique, économique et sociale.
Et lorsque nous parlons de Civic Tech, il s’agit de permettre aux citoyens de s’engager très activement et avoir un impact très considérable pour promouvoir un changement en tant qu’acteur civique. (...)
Dans le continent, nous avons toujours un clivage entre les zones rurales et les zones urbaines. Lorsque nous regardons par exemple, le taux de pénétration des TIC ou le mode de développement des technologies et même juste des téléphones simples, différentes applications ou technologies sont créées afin de permettre aux gens d’avoir un accès égal aux instances de prise de décision ou même les gouvernements locaux. (…)
Nous devons nous pencher sur comment ceux qui sont dans les zones les plus éloignées peuvent avoir accès à ces technologies. Ceux qui mettent en œuvre les politiques publiques doivent travailler pour améliorer l’accès.
Je pense que les civic tech pourraient jouer un rôle dans le sens d’amplifier les voix des citoyens via les technologies mobiles. (...)
Il faut voir comment les Civic Tech peuvent être utilisés afin de garantir une gouvernance d’internet et que les fonds publics soient utilisés de façon transparente et qu'ils ne soient pas détournés. En effet, lorsque les citoyens ne sont pas satisfaits des performances de certains fonctionnaires, ils doivent avoir la possibilité de le signaler via des mécanismes technologiques qui permettent à leur tutelle de prendre des décisions idoines.”
M.FODÉ KOUYATÉ, membre de la Core Team de AfricTivistes
“Peu d’acteurs des Civic Tech disposent de la capacité de faire parler les données”
“On entend par Civic Tech tous les procédés, les outils et process qu'on met en place pour pouvoir influencer les processus de décision soit en termes de propositions ou en termes d’actions critiques en utilisant les technologies de l’information et de la communication. C’est aussi tout usage des technologies pour améliorer la gouvernance politique ou économique dans nos différents pays.
Aujourd'hui, quand on parle de Civic Tech, on fait plus allusion au volet politique qu’au volet économique. Ce qui est vraiment dommage dans la mesure où on doit également se focaliser sur les autres volets pour améliorer la gouvernance qui s’appuie sur les technologies
Je trouve qu'il y a déjà un grand progrès par rapport à l’accès à l'information qui est devenu capital. D’autant que le réseau internet ne se limite pas seulement au réseau téléphonique, c’est à dire appels et sms. L’internet est devenu central dans tout ce qui est accès à l’information. Donc, on peut apprécier le niveau d'accès à l'information par le canal d'internet.
Malheureusement, il y a un fossé qui existe entre les grandes et petites villes en ce qui concerne l’accès à l’information. Sans oublier la question de la qualité de l'information qui se pose dans la plupart de nos pays et le type des contenus utilisés.
C’est là où la problématique des données intervient. Est-ce qu'on a aujourd'hui suffisamment de données qui puissent vraiment véhiculer de véritables informations que cherchent les citoyens? Est-ce que ces canaux-là nous permettent de faire tout circuler entre nous ? Est-ce que c’est rendu disponible? On devrait poser toutes ces questions tout en reconnaissant qu'il y a eu des progrès en termes d'accès à l'information à une certaine échelle.
C’est vrai qu’il une nette amélioration de la circulation de l'information en termes de qualité et des données dont on a besoin sur telle ou telle thématique. Cependant, on se demande si toutes ces données sont mises dans des formats utilisables. On peut se demander aussi les personnes qui manipulent ces données ont la qualification requise.
Aujourd'hui, quand on regarde les acteurs qui sont dans le civic tech et qui travaillent sur les questions de gouvernance ou s’intéressent aux données, il y en a peu qui ont la capacité de faire parler ces données. Donc, la question de renforcement de capacité est centrale. Et pas que sur le volet politique.”
Il faut noter en définitive qu' une trentaine de participants a suivi la rencontre qui a été très interactive et qui démontre encore que la question des civic tech intéresse bon nombre de jeunes africains et d’acteurs de la société civile.
M. Tidiani TOGOLA, Directeur exécutif de la fondation Tuwindi devrait faire partie des panélistes. Malheureusement, il a été empêché à la dernière minute.
A bientôt pour un nouveau webinaire sur une autre thématique traité dans le cadre du Mooc Démocratie, Élections et Gouvernance en Afrique.
Par Seydina Bilal DIALLO et Abdou Aziz CISSE